Décryptage. « Apaisant et ludique » : le retour en grâce des mots fléchés, surtout auprès des jeunes

C’est un plaisir estival (et pas seulement) pour beaucoup de Françaises et Français : les mots fléchés, ces petits livres avec des grilles à remplir se vendent particulièrement bien en cette saison. Il s’en écoule 10 millions chaque année.

Vous pensiez les mots fléchés vieillots ? Détrompez-vous. Cette activité qui ne date pas d’hier est pourtant loin d’être désuète. Et les jeunes générations sont, elles aussi, adeptes de ce loisir stimulant pour le cerveau, permettant de s’éloigner des écrans. Nicolas, 33 ans, de Chamonix (Haute-Savoie), est un fan de mots fléchés, loisir qu’il trouve « apaisant et ludique ». Camille, 33 ans, de Huttenheim (Bas-Rhin) a toujours un livre de mots fléchés chez elle : « J’en fais surtout pendant les vacances d’été ou au ski, c’est une passion qu’avaient déjà mon grand-père et ma mère. » Iris, 32 ans, habitante d’Île-de-France, adore en faire avec ses amies pendant les vacances : « Je trouve que ça nous fait une activité en commun et on peut être épatées par nos connaissances mutuelles ou rire de nos croyances », raconte-t-elle.

Dans les kiosques, deux géants règnent sur ce marché depuis des années : Mégastar et Sport Cérébral. Les deux sociétés d’édition ont la capacité de produire beaucoup de nouvelles grilles chaque année grâce à des logiciels de conception permettant un rendement élevé, même si elles sont toutefois relues par un humain. Une uniformisation que regrettent de jeunes amatrices de mots fléchés. Dior, 27 ans et Louise, 23 ans, deux copines adeptes de ce loisir, ont donc décidé de créer leur propre cahier, à leur image. « On se retrouvait toujours avec les mêmes livres en main, on s’est dit que ce serait sympa d’avoir une alternative qui nous ressemble, sur le fond comme sur la forme », nous explique Dior.

« L’idée, c’est de moderniser un peu les grilles, d’apporter des sujets différents, comme la musique, les émotions, la gastronomie, la sexualité et de garder aussi les références plus anciennes, les personnages historiques, de la géographie », détaille la jeune femme. Un livre qui se veut intergénérationnel. « On a une envie de créer des moments à plusieurs autour de cet objet qu’est le cahier de mots fléchés. On ne voulait pas faire des grilles uniquement avec des références actuelles », ajoute-t-elle.

Créer une grille de mots fléchés peut s’avérer long et complexe, surtout lorsque l’on fait tout de A à Z. Les deux copines se sont donc entourées d’un spécialiste du genre : le cruciverbiste Yves Cunow. « Il nous a par exemple appris à ne pas induire en erreur le joueur quand on donne une définition, les règles à respecter », détaille Dior. Au mois de juin, après plusieurs semaines de travail, elles mettent en vente 500 exemplaires de leur cahier, Grillé. Sur les réseaux sociaux, la mayonnaise prend. Elles en ont finalement imprimé 15 000. Il peut s’acheter sur internet et commence même à être distribué dans quelques concept stores, comme Flux à Paris ou Basta Kiosques à Bordeaux. Un nouveau numéro est déjà prévu pour la rentrée, avec des grilles plus faciles, accessibles pour toutes les personnes qui veulent s’y mettre.

Angèle, adepte des mots fléchés depuis petite, lassée des « mots fléchés très industriels qu’on trouve dans les supermarchés et les kiosques », a aussi été heurtée par « des définitions sexistes, homophobes ou racistes ». Sans alternative, elle s’est également lancée dans la création de ses propres grilles. « Mon idée, c’était de mettre à jour ces grilles, d’ajouter des mots d’argot, parce que c’est un loisir populaire, ce n’est pas censé être élitiste », détaille-t-elle.

Pour se lancer, elle a été conseillée par le verbicruciste Jujubier. « Mes premières grilles, j’ai dû passer huit heures sur chacune », raconte Angèle. Car en plus des grilles, il faut travailler les définitions, la mise en page. Son livre, disponible à l’achat en ligne, dépoussière les cahiers traditionnels. « On a par exemple une grille spéciale rap, une grille spéciale mode, une grille nostalgie avec plein de références aux années 1990-2000, une grille spéciale culture queer », décrit-elle.

« C’est un projet fait avec le cœur, avec des valeurs qui sont importantes, plus d’inclusivité. J’avais envie de créer quelque chose de drôle, mais aussi de vertueux. » Un nouveau cahier est déjà en cours de préparation pour la fin d’année. Si le projet fonctionne, Angèle espère en sortir un par saison. Alors, êtes-vous prêts à tester ces cahiers de mots fléchés 2.0 ?