La nécessité de parler des déplacements forcés et de proposer des solutions

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Ces dernières semaines, l'attention du monde s'est portée sur différentes régions du monde. Toutes interconnectées, elles partagent un point commun rarement évoqué : les déplacements forcés de population .
Alors que la guerre et les conflits s'intensifient, de manière encore plus inquiétante dans diverses régions du monde, Séville est également devenue un épicentre clé : les dirigeants internationaux s'y réunissent pour discuter du financement du développement . Mais le développement ne sera pas possible si nous ne répondons pas d'abord aux besoins humanitaires les plus urgents.
Permettez-moi de partager quelques points clés du point de vue des déplacements forcés.
Les déplacements forcés continuent d'augmenter. Sous l'effet de crises de plus en plus complexes, le dernier rapport sur les tendances mondiales du HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, estime qu'à la fin de 2024, 123,2 millions de personnes dans le monde étaient déplacées de force. Autrement dit, une personne sur 67 sur la planète est déplacée, soit près du double d'il y a dix ans. La moitié d'entre elles sont des femmes et des filles. Si des solutions politiques aux conflits ne sont pas trouvées et si la diplomatie n'occupe pas le rôle central qu'elle mérite, ce chiffre continuera d'augmenter.
Les déplacements forcés, outre les souffrances qu'ils engendrent, ont un impact économique considérable. Les conflits, l'un des principaux facteurs de déplacement, exacerbent la fragilité économique en perturbant les échanges commerciaux, en brisant les chaînes d'approvisionnement et en érodant le capital humain. Ces effets dépassent les frontières, soulignant l'urgente nécessité d'une coopération internationale renforcée, facilitant l'élaboration de politiques inclusives pour remédier aux vulnérabilités et favoriser la résilience et l'autonomie des personnes déplacées et de leurs communautés d'accueil.
Les ressources disponibles ne répondent pas aux besoins. Malgré les efforts considérables déployés par les pays d'accueil – sachant que 73 % des réfugiés dans le monde vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire –, les fonds destinés à répondre aux crises de déplacement sont insuffisants ; ils sont même en constante diminution. Cet écart, souvent source d'instabilité, souligne l'urgence d'une dépense plus efficace pour protéger les vies et d'une répartition plus équitable de la responsabilité collective de protection. C'est précisément pour cette raison que la communauté internationale a adopté le Pacte mondial sur les réfugiés en 2018, reconnaissant la nécessité d'un mécanisme garantissant un soutien plus prévisible et durable aux pays d'accueil, avec des réponses globales impliquant l'ensemble de la société.
L’aide au développement est également essentielle pour promouvoir des situations propices au retour volontaire des réfugiés.
Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
Les réfugiés et les personnes déplacées ne constituent pas un fardeau si des politiques appropriées sont élaborées. En garantissant des mesures favorisant l'intégration effective des réfugiés dans les pays d'accueil, ces derniers peuvent contribuer significativement à la croissance économique et élargir l'assiette fiscale, générant ainsi un impact positif net. Un rapport récent de Deloitte et du HCR estime que les réfugiés ukrainiens en Pologne ont contribué à hauteur de 2,7 % au PIB national. Si leur intégration au marché du travail était davantage facilitée, ils pourraient générer jusqu'à 680 millions de dollars (578 millions d'euros) de recettes fiscales et de cotisations de sécurité sociale. Par ailleurs, une étude conjointe du HCR et de la Banque mondiale indique que si les réfugiés pouvaient travailler sur un pied d'égalité avec les nationaux, des économies annuelles allant jusqu'à 16 milliards de dollars seraient réalisées en aide internationale, ressources qui pourraient être réinvesties au profit des communautés d'accueil. L'aide au développement est également essentielle pour promouvoir des situations qui encouragent le retour volontaire des réfugiés et leur permettent de contribuer à la reconstruction de leur pays.
Les partenariats mondiaux créent des opportunités, mais il reste encore beaucoup à faire. Conformément aux engagements du Pacte mondial, le HCR continue de renforcer sa collaboration avec les principaux acteurs du développement. Grâce à un partenariat stratégique avec la Banque mondiale, il a favorisé l'inclusion des réfugiés et leur accès à l'emploi et aux services, mobilisant plus de 5 milliards de dollars de subventions et de prêts concessionnels auprès de l'Association internationale de développement (IDA), et près d'un milliard de dollars par l'intermédiaire du Mécanisme mondial de financement concessionnel (GCFF). Ces initiatives ont permis de débloquer 7,7 milliards de dollars supplémentaires pour les pays à revenu intermédiaire accueillant des réfugiés depuis 2016. Le HCR collabore également avec le Fonds monétaire international (FMI) pour intégrer l'analyse et les données macroéconomiques afin de soutenir des politiques publiques fondées sur des données probantes, dans le but de transformer le déplacement d'une crise en une opportunité de développement partagée.
Pour obtenir un impact réel, nous devons donner la priorité aux points suivants :
Politiques inclusives. L'inclusion profite non seulement aux personnes déplacées, mais renforce également la cohésion sociale, stimule les économies locales et élargit l'assiette fiscale. Elle libère également des ressources internationales limitées qui peuvent être réinvesties dans le développement.
Le développement ne peut se construire sans s’appuyer sur le seul fondement capable de le soutenir à long terme : la paix.
Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
Soutien aux communautés d'accueil. Concevoir une aide ciblée qui touche également les membres les plus vulnérables des sociétés d'accueil favorise une croissance plus équitable et réduit les tensions sociales, en particulier à une époque où les discours négatifs à l'encontre des réfugiés se multiplient.
Soutien international durable. Il est essentiel de renforcer les partenariats mondiaux qui permettent le partage des responsabilités fiscales et sociales en matière de déplacement, en particulier dans les régions fragiles ou touchées par des conflits, ainsi que dans les économies à revenu faible et intermédiaire.
Car il n’y aura de véritable progrès que s’il s’accompagne de dignité, de protection et de respect des droits de tous, y compris de ceux contraints de fuir leur foyer.
EL PAÍS