Jürgen Todenhöfer | Interdire toutes les guerres
« Je suis là. Je ne peux faire autrement » – c'est par ces mots que Luther refusa d'abjurer ses enseignements avant la Diète de Worms en 1521. « Et si personne ne te suit, va seul », tel est le titre du nouveau livre de Jürgen Todenhöfer. C'est un homme indépendant qui suit sa conscience. Un aventurier aussi, quelqu'un qui sait encourager les autres.
L'histoire d'une vie : Peu avant son 85e anniversaire en novembre dernier, Todenhöfer a senti le temps de revenir sur ses expériences. Il a réfléchi aux rebondissements qu'elles ont entraînés. Il se souvient de la façon dont le suicide de son jeune frère à 22 ans l'a façonné, de son incapacité à oublier les horreurs des nuits de bombardement de la Seconde Guerre mondiale et de la façon dont il est devenu un « chercheur de vérité ». Cela l'a conduit aux quatre coins du monde : du Moyen-Orient à l'Amérique latine et à l'Asie. Il a voyagé à Cuba, au Vietnam, en Chine et aux États-Unis. Et, encore et encore, il raconte ses expériences dans des récits si captivants qu'on a du mal à lâcher le livre. Tout le monde n'aurait pas embarqué sur un paquebot délabré comme lui, très jeune, à Marseille, pour se rendre à Alger. Les conséquences de la guerre française contre le FLN, le Front de libération de l'Algérie, l'ont bouleversé. Dès lors, son engagement « contre l'injustice dans le monde » est devenu le leitmotiv de sa vie.
L'auteur parle de lui-même avec franchise, abordant toujours des sujets très personnels, comme un accident de ski à Saint-Moritz et l'appel téléphonique d'Helmut Kohl qui a suivi (Todenhöfer a été député CDU au Bundestag jusqu'en 1990, démissionnant à 60 ans). On imagine aisément qu'il était un oiseau de paradis pour de nombreux journalistes. Mais dès le départ, ses objectifs étaient clairs : « Proscrire la guerre et toute forme de racisme » et « contribuer à surmonter la division fatale de l'Allemagne ».
Le cœur du livre réside dans ses récits de voyages dans des zones de crise. Les lecteurs d'aujourd'hui ignorent peut-être les méthodes employées par le Portugal, membre de l'OTAN, pour combattre le mouvement indépendantiste au Mozambique. En lisant le livre, on comprend qu'à l'époque déjà, une guerre pour l'ordre mondial était en cours. N'était-il pas problématique d'engager un dialogue avec le dictateur Pinochet ? Mais l'auteur souhaitait agir pour la libération des prisonniers politiques.
Il a dû prendre des décisions difficiles à plusieurs reprises et a été critiqué. Mais quelles expériences merveilleuses il a vécues ! Il a côtoyé tout le monde : Indira Gandhi, Ramón Castro, Mikhaïl Gorbatchev. Il a exploré l'Afghanistan à pied après l'invasion soviétique, puis a déjeuné avec le maréchal Akhromeïev à Moscou… Jürgen Todenhöfer le démontre : « On peut parler à n'importe qui si on est sûr de ses convictions et prêt à écouter. »
Après les attentats du 11 septembre, il écrivit une lettre à George W. Bush pour le supplier de ne pas déclencher une nouvelle guerre contre l'Afghanistan et demanda au mollah Omar, chef d'État de l'Émirat islamique d'Afghanistan, de lui livrer Oussama ben Laden. « Bush était invincible. » Il réalisa plus tard que les plans de guerre contre sept autres pays visaient à « éliminer d'anciens régimes clients de l'Union soviétique », comme l'avait déclaré le secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfowitz bien avant le 11 septembre.
Des crimes de guerre occidentaux en Afghanistan et en Irak, aux campagnes de diffamation contre tout ce qui touche à l'islam, en passant par la guerre en Libye, la tragédie syrienne… jusqu'au conflit latent de Gaza, les tirs de roquettes des Houthis sur Israël et la question palestinienne en général, le livre propose des analyses détaillées de tous ces sujets. Todenhöfer s'est rendu en Iran, en Arabie saoudite et au Congo. Il n'a jamais cédé aux clichés simplistes du bien contre le mal dont les médias officiels allemands continuent de nous inonder concernant le conflit ukrainien.
Il a mené des recherches à Kiev et à Moscou, examinant les intérêts nationaux et étrangers en jeu. Il a élaboré une solution négociée et préconisé l'arrêt de toutes les livraisons d'armes et des sanctions contre la Russie. L'étrange situation, selon laquelle cette guerre devient désormais trop coûteuse pour un président américain, tandis que les Européens veulent la poursuivre jusqu'au dernier Ukrainien, au risque même d'une guerre nucléaire avec la Russie, n'est pas encore abordée dans le livre.
L'Allemagne est désormais censée se préparer à la guerre grâce à des prêts risqués. Une mobilisation mentale pour une situation qui, bon sang, pourrait bien ne jamais se produire. La situation devient incertaine. La devise de Jürgen Todenhöfer prend une nouvelle intensité : « Vivre chaque jour comme une vie ! »
Jürgen Todenhöfer : Si personne ne te suit, pars seul. L'histoire d'une vie. Bertelsmann, 460 p., relié, 24 €.
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