Le Circus Maximus, de plus en plus sordide et malmené. C'est ainsi que se dégrade une civilisation.


Un concert au Circus Maximus (photo Ansa)
Nous sommes à l'extrême de la décadence de notre très long collier de civilisation, mais une telle laideur de donner des cirques musicaux payants à des particuliers, violant de plus les décibels attendus, est aussi le Vice Maximum : au-delà on ne peut pas aller.
Quand je pense au Circus Maximus , ma bouche fait la même grimace : le plus grand monument romain, de plus en plus sordide et malmené : un contraste effrayant avec le magnifique et grandiose palais qui brille encore sur le Palatin . Je comprends, nous sommes au plus profond du déclin de notre très long collier de civilisation – nous sommes visiblement épuisés –, mais une telle laideur de confier des artistes de cirque rémunérés à des particuliers, en violant les décibels prévus, est aussi le plus grand vice : nous ne pouvons pas aller plus loin.
Tout d'abord, le Cirque devrait être fouillé, montré et raconté : personne en Europe n'y échapperait, mais nous sommes uniques ! Même si nous n'avons pas l'intention de le fouiller, les marches, les carceres et la spina devraient au moins être suggérés par des plantes variées, avec deux très grands cyprès pour rappeler les deux obélisques déplacés. Oui, un lieu où l'on peut se promener, monter à cheval ou à vélo et s'asseoir dans un silence sublime et parfumé – au lieu d'être plongé dans un vacarme assourdissant ou dans les vestiges déplorables d'initiatives antérieures.
Depuis le Cirque, vous pourrez admirer – aujourd'hui méconnue – l'église d'Anastasie, sœur de Constantin : la chapelle palatine où Noël fut célébré pour la première fois le 25 décembre, jour de la renaissance du Soleil païen. Elle se dresse sur le balcon de la maison d'Auguste, d'où le premier prince observait les cirques romains : tout cela gratuitement, ou plutôt avec des cadeaux… C'est là que la direction du parc, en collaboration avec le centre archéologique Sapienza, dévoile la façade du palais d'Auguste, qui commence enfin à révéler les premiers secrets, les plus cachés et les plus étincelants, des Lupercales : la source sacrée et la grotte de Faunus, où Romulus fut sauvé par un pic, une louve et Acca Larentia, épouse du porcher Fustulus. Nous sommes au cœur du cœur le plus ancien et le plus important de Rome, où Rome et sa principauté furent fondées. Plus à l'est, se dresse l'immense palais « Augustiano », la cité interdite d'où le monde fut gouverné entre Néron et la fin de l'Empire d'Occident, et dont on commence aujourd'hui à découvrir les origines (j'en ai récemment parlé dans le Corriere della Sera).
À l'ouest se trouve le triste mais central bloc de Santa Maria in Cosmedin, qui aurait dû être entièrement réservé au Musée de la Ville de Rome et qui reste au contraire un fouillis d'usages impropres, de vides et d'abandons qui suscitent en moi la seule expression inconnue des animaux, car fondamentalement morale : rougir ! Enfin, face au Palatin se dresse l'Aventin, avec le très important temple de Cérès – cher à la plèbe – jamais identifié et qui repose peut-être sous les roses.
J'imagine le Cirque comme tout le contraire : un lieu ouvert et ombragé où l'on peut à nouveau bouger, reposer ses émotions, ses sentiments et son intellect, et méditer en contemplant – savons-nous encore ce que c'est ? – face au plus illustre des passés, l'ignorance abyssale dans laquelle – toutes les écoles détruites – nous sommes tombés après trois mille ans de grandes civilisations. La vérité est que la démocratie est en danger parmi les autocraties laïques et naissantes , que la culture humaniste est morte (peu importe les bavardages) – tous agenouillés devant le Mammon de la technologie – et qu'à la place de la joie, nous avons progressivement développé des désirs frénétiques et un malheur tourmentant. Un nouveau pape a récemment été nommé, qui, depuis le palais « impérial » où il est revenu vivre, veille sur l'unique héritier du Circus Maximus : l'enveloppante place Saint-Pierre. Mais même de ce côté-ci du Tibre, il faut un leader plutôt qu'un suiveur , et ce, au plus vite. Voilà ce que dit un citoyen qui a voté pour ce maire. La dictature a violé l'histoire, la guérissant encore à sa manière. La démocratie l'a abandonnée, attirée par sa propre dissolution, tel un Narcisse parmi d'autres narcissiques qui reflètent leur ego sur l'eau où ils sont sur le point de se noyer.
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