Sélectionner la langue

French

Down Icon

Sélectionnez un pays

France

Down Icon

Un groupe d’aborigènes australiens en visite à Lascaux en Dordogne pour la reconstruction d’une grotte

Un groupe d’aborigènes australiens en visite à Lascaux en Dordogne pour la reconstruction d’une grotte

Des représentants du peuple Puutu Kunti Kurrama and Pinikura sont venus en France, à Chauvet, puis à Lascaux, pour s’inspirer de nos techniques lors de la reproduction des grottes afin d’en reconstruire une à près de 15 000 kilomètres, détruite en 2020 par une exploitation minière.

C’est une action qui avait fait grand bruit. En 2020, l’entreprise Rio Tinto Iron Ore (RTIO) a détruit un abri-sous-roche, le Juukan Gorge, situé dans l’Australie-Occidentale, après en avoir eu l’autorisation en 2014. L’entreprise, qui possède une exploitation minière non loin de l’abri, a fait les démarches pour l’agrandir et a pu détruire cet abri utilisé depuis plus de 45 000 ans. Sauf que ce dernier est un lieu sacré pour le peuple aborigène des Puutu Kunti Kurrama and Pinikura (PKKP). Un scandale national et international s’en est suivi, poussant les investisseurs de l’entreprise à se poser des questions et donc à l’entreprise de faire machine arrière.

Burchell Hayes, du peuple des Puutu Kunti Kurrama and Pinikura, et Denis Coutant de la corporation, ont visité Lascaux pour voir comment faire pour le Juukan Gorge.
Burchell Hayes, du peuple des Puutu Kunti Kurrama and Pinikura, et Denis Coutant de la corporation, ont visité Lascaux pour voir comment faire pour le Juukan Gorge.

Romain Longieras

Dans « un processus de réconciliation visant à garantir que de tels événements ne puissent se reproduire », l’entreprise et le peuple ont trouvé un accord pour encadrer les activités minières sur le territoire ancestral, signé en mai dernier. Par la même occasion, Rio Tinto Iron Ore s’est engagé à financer la reconstruction de l’abri détruit, ainsi que des fouilles archéologiques nécessaires à sa reconstitution. « Ce projet, à forte valeur culturelle et symbolique, vise à restaurer un lieu sacré et à transmettre son histoire aux générations futures. »

Grotte de Chauvet en Ardèche avant Lascaux

Dans ce contexte, des membres des PKKP, ainsi que des représentants de RTIO et de CDM Studio (une entreprise australienne spécialisée dans la création de fac-similés) se sont rendus en France, d’abord pour voir la grotte de Chauvet en Ardèche, puis celle de Lascaux, pour s’en inspirer et savoir quels seront les meilleurs moyens pour la reconstruction. « Le défi principal est que nous n’avons jamais pu récolter des informations avant la destruction de l’abri, hormis une centaine de photos lors de sa découverte en 2007, ou alors qui ont pu être récupérés sur Internet », explique Denis Coutant, directeur de la PKKP Aboriginal Corporation. Un visuel en trois dimensions, fait avec l’application Houdini, a pu voir le jour grâce à CDM Studio pour se rendre compte des travaux à faire. Les aborigènes ont pu le voir avec un casque de réalité virtuelle et y ajouter ou enlever des détails suivant leurs souvenirs.

Des aborigènes, des représentants de l’entreprise ou de CDM Studio se sont réunis après avoir visité Lascaux pour faire le point sur les travaux à venir.
Des aborigènes, des représentants de l’entreprise ou de CDM Studio se sont réunis après avoir visité Lascaux pour faire le point sur les travaux à venir.

Romain Longieras

Un chantier qui s’annonce inédit et quasiment sans précédent. « La reconstruction est unique, cela n’a jamais été fait en Australie, même dans le monde, car ce ne sont que des répliques dans des endroits climatisés, pour les touristes, qui sont faites, détaille Denis Coutant. La seule comparaison qui peut être faite est avec la cathédrale Notre-Dame de Paris. » Sauf que le chantier à venir s’annonce plus long et contraignant pour cet abri qui fait 30 mètres de long, 16 mètres de profondeur et entre 10 et 13 mètres de haut, sur une surface totale de 1 450 m2.

Des gravats réutilisés

Le mur situé au nord-ouest de l’abri n’a pas été touché lors de la destruction et les aborigènes souhaitent qu’il soit intégré dans le modèle final. « Le but est de garder le mur et d’incorporer la réplique à partir de celui-ci », souligne Daniel Browne de CDM Studio, tout en montrant la vidéo 3D du futur projet. De plus, les gravats de l’abri-sous-roche, toujours présents sur place, seront concassés et mélangés avec le béton pour qu’il ait la couleur ocre d’origine. « La raison principale est de garder l’essence de l’endroit et de le réintégrer au même emplacement », ajoute Denis Coutant.

Denis Coutant, Burchell Hayes et Gavin Ashburton commencent à voir plus clair pour le projet.
Denis Coutant, Burchell Hayes et Gavin Ashburton commencent à voir plus clair pour le projet.

Romain Longieras

« C’était un traumatisme très difficile à vivre, même si c’était légal. »

Depuis six mois, des fouilles sont entreprises par RTIO et des dizaines de milliers d’objets enfouis ont pu être identifiés dans cet abri faisant partie d’un territoire PKKP de plus de 11 000 km2, où les 216 aborigènes vivent, même s’ils y ont été chassés. Au total, ce sont environ 10 000 sites archéologiques de même nature qui sont présents sur le territoire. « RTIO n’était pas obligé de faire la démarche de reconstruire l’abri, mais ils ont pris les choses en main pour ouvrir le dialogue avec le peuple aborigène, admet Denis Coutant. Les investisseurs n’ont pas voulu aller plus loin dans le scandale. Cela crée un précédent et les compagnies commencent à en prendre conscience. » Contrairement à la législation, « qui n’a pas de considération pour le patrimoine ». « Une loi pour réguler, instaurer un dialogue avant toute démarche et protéger les peuples a été votée en mai 2023, avant d’être abandonnée trois mois plus tard. »

Un travail « extraordinaire » à Lascaux

Lors de ce passage en France, ce groupe de personnes a donc pu visiter les grottes, puis discuter avec les ingénieurs français afin de s’en inspirer pour la construction du nouvel abri. « Il y a une différence entre notre projet et ce qui a été fait en France parce que, pour nous, l’abri sera dehors, devra subir des écarts de température de 50 degrés et fera face aux intempéries comme la pluie, le vent et les cyclones », commente Daniel Browne de CDM Studio.

Denis Coutant, directeur de la corporation aborigène PKKP, sait que le projet est encore long.
Denis Coutant, directeur de la corporation aborigène PKKP, sait que le projet est encore long.

Romain Longieras

Une expérience enrichissante pour le peuple Puutu Kunti Kurrama and Pinikura. « Ce qui a été fait à Lascaux est extraordinaire, d’avoir refait toutes ces peintures mais ce ne sera pas la même chose pour nous car l’abri servait pour manger, faire des cérémonies ou chasser », explique l’aborigène Burchell Hayes. Pour lui, la destruction de la grotte était « comme perdre un enfant ». « C’était quelque chose qu’on essayait de prévenir, ça nous a fait très mal et on s’est rendu compte que ce lieu sacré ne sera plus visité par notre communauté, qu’on ne pourra plus le transmettre aux générations futures. C’était un traumatisme très difficile à vivre, même si c’était légal. » Depuis trois ans, le site est fouillé par des archéologues et l’exploitation minière n’a pas été poursuivie. « La ressource est stérilisée », conclut Denis Coutant.

Dordogne Libre

Dordogne Libre

Nouvelles similaires

Toutes les actualités
Animated ArrowAnimated ArrowAnimated Arrow