L’improbable mode des crampons de foot en ville

On croyait avoir tout vu en matière de chaussures de sport portées à la ville. On connaissait les tennis, évidemment. Les baskets, de l’historique Chuck Taylor de Converse (destinée à l’origine à fouler le parquet) à la Air Jordan. Les modèles de skate Vans, les runnings Salomon ou Asics… Mais récemment, une tendance improbable est apparue dans les rues de New York : les chaussures de foot. Oui, on parle bien des crampons, les moulés, ceux-là mêmes qu’enfileront Désiré Doué et Ousmane Dembélé, les deux stars du Paris Saint-Germain, pour affronter Botafogo ce 20 juin en Coupe du monde des clubs.

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Le phénomène, baptisé #BootsOnlySummer sur TikTok a touché des célébrités comme Rosalia, aperçue récemment en robe Balmain et paire de crampons New Balance. L’équipementier italien UnoZero s’est même senti obligé de publier, sur son site, un avertissement à ceux qui souhaiteraient adopter ses chaussures : « Les crampons situés à la base de vos bottes assurent la traction sur l’herbe ou le gazon, mais pas sur l’asphalte, le béton ou d’autres surfaces dures. Lorsque vous les sortez de leur élément, vous risquez d’endommager les crampons, ce qui affecte leurs performances et leur longévité. » Sans compter de sérieux risques… de glissades et d’ampoules !

Mais ça, Gerard, « créateur de contenu » allemand croisé dans les allées du Pitti Uomo, le salon de la mode masculine de Florence, n’en a que faire. « Elles sont stylées, non ? », nous dit-il, en pointant du doigt sa paire d’Adidas Copa Mundial - qui sont, il est vrai, sans doute le plus beau modèle de crampons jamais conçu. Un classique absolu créé en 1979 et porté, sur les terrains, par les légendes Diego Maradona et Zinédine Zidane. « Je cherchais une chaussure qui sorte du lot, confie le trentenaire. Quand j’ai commencé à voir sur les réseaux sociaux des gens en crampons de foot, ça m’a donné envie ! Je n’y connaissais rien, alors j’ai cherché sur internet les modèles les plus connus et j’ai jeté mon dévolu sur celles-ci qui sont assez fines, et donc plutôt élégantes. En plus, elles sont en cuir (de kangourou, NDLR) ! Ce n’est certes pas la chaussure la plus confortable du monde, et il faut s’y habituer, notamment lorsqu’on marche sur des pavés, pour ne pas glisser. »

À Florence, si les marques de sneakers restent fidèles aux baskets « rétro » assez fines et aux runnings, la tendance est en train de prendre. Comme en témoigne, le retour en grande pompe de Bikkembergs, la marque lancée par Dirk Bikkembergs, le créateur belge qui a fait partie des cultissimes « Six d’Anvers ». Dans les années 2000, ce fan du ballon rond a fondé son propre club, le Bikkembergs Fossomobrone, et en a détourné les codes dans ses collections, connaissant un grand succès avec des chaussures de football dotées de petits crampons, comme celles destinées au terrain synthétique. Acquise par le groupe chinois Canudilo, la marque vit un retour de flamme. Au Pitti, elle présente plusieurs paires cosignées avec le créateur russe Gosha Rubchinskiy dont on avait perdu la trace depuis quelque temps malgré un passage aux côtés de Kanye West chez Yeezy (ce come-back fait évidemment beaucoup parler). Des souliers, vendus 230 €, et déjà disponibles à la vente, les pointures 45 et 46 sont en rupture de stock… Toujours à Florence, Pantafola d’Oro, marque italienne fondée à Ascoli Piceno dans les années 1950, rajeunit son image cette saison grâce à une collaboration avec le créateur sud-africain Thebe Magugu, qui signe maillots, crampons, et modèles « lifestyle ». Dès les premières heures du salon, les acheteurs professionnels montraient un intérêt certain pour les crampons en version ville.

Ces nouveautés devraient donc, bientôt, peupler les étagères des boutiques. Mais le champion du secteur, Nike, ne compte pas se laisser distancer et relance ses cultissimes Total 90, créés dans les années 2000, entre autres dans les multimarques pointues. La marque à la virgule en a aussi profité pour sortir, au début du mois, une nouvelle collection, appelée Cryoshot, inspirée de ses archives de chaussures de football mais déclinée sur une semelle classique. « C’est ce genre de modèles qui devraient se vendre l’an prochain plutôt que les “vrais”, qui sont une microtendance. Dans le contexte actuel, je doute que des magasins fassent entrer en stock des crampons », nous confirme un acheteur de department store américain.

« Cet engouement pour l’esthétique du football est la suite de ce que l’on observe depuis quelques saisons, précise Sophie Jordan, directrice des achats homme de Mytheresa. Alors que les sneakers à semelles fines et à l’empeigne étroite, performent très bien, surtout dans des couleurs rétro, il est logique que les modèles originaux attirent aussi les consommateurs ! » Au même titre que les maillots de club que les jeunes, filles et garçons, portent au quotidien. Un look qu’on appelle sur les réseaux « Blokecore » inspiré de celui des supporteurs des années 2000 qui, à l’époque, chaussaient la Samba d’Adidas. La tennis sans doute la plus vue sur le bitume depuis quelques années !