Juana Molina, magicienne argentine de l’électrofolk

“Une artiste culte”, tranche l’hebdomadaire argentin Tiempo Argentino, quand le quotidien britannique The Guardian voit en elle une “légende de la musique expérimentale”. Et même si elle a toujours détesté ce qualificatif, le quotidien de gauche Página 12 ne peut s’empêcher de rappeler qu’on l’a “surnommée la ‘Björk argentine’”.
On parle ici de Juana Molina, figure marquante de la scène artistique argentine, tout autant autrice, actrice et musicienne. Elle a sorti le 5 novembre son nouvel album, Doga, après sept longues années de silence discographique.
Et le quotidien de Patagonie Rio Negro s’en félicite : “Avec Doga, Juana Molina réaffirme sa place dans le monde de la musique avec son style inimitable, ce mélange unique de folk, de pop expérimentale et d’électronique.”
La sortie de cet album fait événement en Argentine. Infobae a ainsi longuement interviewé la chanteuse, qui fait partie du paysage culturel local depuis bientôt quarante ans.
“Issue d’un milieu artistique, elle est la fille de Horacio Molina et de Chunchuna Villafañe. Sa mère est mannequin, actrice et architecte argentine. Son père est l’un des chanteurs de tango les plus talentueux et les plus renommés au monde. La famille a dû s’exiler pendant la dictature militaire, vivant d’abord à Madrid avant de s’installer à Paris”, rappelle le site argentin.
Juana Molina a débuté à la télévision, à la fin des années 1980, avec son émission de sketchs Juana y sus hermanas (“Juana et ses sœurs”), dont elle était l’autrice et la réalisatrice, et “où elle incarnait une galerie de personnages excentriques, avec un petit côté John Waters dans le sang”, relève le Guardian.
Mais elle change brusquement de pied au milieu des années 1990 pour se consacrer exclusivement à la musique.
En 1996, l’électrofolk bricolé de son bien nommé premier album, Rara (“Étrange”) marque les esprits. Et elle est bientôt adoubée par David Byrne (des Talking Heads) et signée sur l’élégant label indépendant britannique Domino.
Segundo puis Tres Cosas lui ouvrent les scènes du monde entier.
“Elle a crééson propre son, unique,composé de bouclesde guitare sèches et rythmées,de bourdonnements,de pulsations graveset de voix incantatoiresriches en mystère.
C’est enveloppant,d’une manière à la foisréconfortante et effrayante.”
La critique Laura Snapes dans le quotidien britannique The Guardian
Les tournées s’enchaînent, les sorties s’espacent – son dernier album, Halo, sort en 2017 sur l’éminent label bruxellois Crammed Discs – et on n’osait plus espérer entendre de nouvelles chansons de l’Argentine, qui semblait revenir à ses premières amours avec une apparition remarquée dans la série Netflix En el barro (“Dans la boue”).
Après un long travail en studio, Doga, qu’elle sort sur son propre label, vient enfin rompre le silence.
Le quotidien argentin El Litoral ne cache pas son enthousiasme. “L’album concentre toutes les qualités qui distinguent la musique de Juana Molina et il va encore plus loin dans la recherche permanente de la singularité, où aucune influence n’est détectable, du véritablement original, de ce qui ne ressemble littéralement à rien d’autre.”
Entrant dans le détail des chansons, le quotidien de Santa Fe décrit “des mélodies imprévisibles, des sons éthérés et organiques, des gestes minimaux et subtils, la répétition comme esthétique, une harmonie austère et d’apparence statique, des paroles comme des couches concentriques : un paysage familier mais toujours surprenant pour le public habituel de cette artiste et une porte d’entrée idéale pour les nouveaux venus sur la planète Juana Molina.”
À 64 ans, la chanteuse argentine prouve encore ici que l’âge n’a pas de prise sur la créativité.
Au Guardian, elle confie : “Ce que je déteste le plus dans la vie, c’est la solennité. La solennité, c’est pour un enterrement. Mais quand on est solennel face à la vie, que tout doit être fait d’une certaine manière, qu’on ne peut pas s’habiller comme on veut, qu’on ne peut pas manger avec les mains… c’est d’un ennui mortel.”—
Courrier International




