Du Scudetto à Silvana Mangano, la folle nuit de Max Mara à Naples

Mardi soir, dans la ville située au pied du Vésuve, tout à sa joie d’avoir gagné le championnat de football italien, la griffe présentait un défilé croisière à la sensualité chevillée au corps. Entre classiques du vestiaire bourgeois et l’allure torride de Silvana Mangano.
«Naples est une ville compliquée à appréhender en deux jours, nous prévient Cara, guide touristique et Napolitaine pure souche. C’est une cité aux origines grecques devenue un melting-pot culturel au fil de sa longue histoire et des nombreuses dominations étrangères qu’elle a subies.» Elle détaille les périodes byzantines, angevines, autrichiennes, espagnoles de ce port incontournable de la Méditerranée. Car «Napoli», ce sont ses habitants qui en parlent le mieux. «La ville a longtemps pâti d’une mauvaise réputation à cause de l’insécurité et de la désorganisation de ses infrastructures», en convient Maurizio Marinella, quatrième génération à la tête des célèbres cravates Marinella, savoir-faire local plébiscité par les élégants, les puissants et « de nombreux présidents français», ne manque-t-il pas de nous glisser, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron. «Mais son patrimoine et son état d’esprit en font aujourd’hui une ville amusante et très accueillante. Les Napolitains et les autorités locales ont compris qu’ils devaient se structurer un peu pour accueillir le monde entier, qui se régale de notre gastronomie, de notre culture, de l’ambiance, particulièrement en ce moment alors que nous avons remporté notre quatrième Scudetto (le championnat de football d’Italie, NDLR).» Les tifosi sont effectivement toujours en éruption depuis le sacre du SSC Napoli, fin mai...
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C’est donc une ville qui a le vent en poupe choisie par Max Mara pour présenter sa collection croisière 2026. Si Ian Griffith, son discret directeur artistique depuis presque quarante ans, est tombé amoureux du berceau de la pizza, ce n’est pas (que) pour sa spécialité culinaire ou pour marcher sur les traces de l’Amie Prodigieuse (tétralogie d’Elena Ferrante adaptée sur Netflix), mais pour son cinéma d’après-guerre, l’âge d’or de la Cinecittà qui y a souvent posé ses caméras. «Quelle ville est plus italienne que Naples vu de l’étranger?», lance-t-il. Et de citer L’Or de Naples de Vittorio De Sica, (1954), mettant en scène ses grouillantes ruelles et les iconiques Silvana Mangano et Sophia Loren. «Je ne me lasse pas de leur beauté, de leur fougue et de leur incroyable allure, également dans Hier, aujourd’hui et demain (De Sica, 1963) ou Anna (d’Alberto Lattuada, 1951)... Mais je m’arrêterais là car je pourrais vous parler de leur filmographie pendant des heures!» confie le Britannique, au cours d’un déjeuner informel avec la presse française, avant le show.
Ce dandy so chic jusqu’à la pointe de ses costumes made in Italy parle aussi longuement d’un cliché très connu de Ruth Orkin, American Girl in Italy. «Comme son nom l’indique, sur la photo prise en 1951 - l’année de création de Max Mara -, cette fille marchant sur un trottoir de Florence sous les regards des hommes, est américaine. Mais son port altier, son charme rebelle a toujours incarné pour moi ce chic très italien. C’est cette italianité que j’ai voulu insuffler à ce défilé.» Avant de reconnaître volontiers qu’entre l’élégance de la sciura du Nord (où a été fondée la griffe) et la dégaine sexy de la ragazza du Sud (où se tient son défilé), il y a un monde... «que le vestiaire que vous verrez ce soir tente de réconcilier».
À la tombée du jour, entre chien et loup, les 300 invités de Max Mara prennent place sous le marbre monumental de la Reggia di Caserta, le palais royal des Bourbons des Deux-Siciles, le rival de Versailles au siècle des Lumières. Face au grand escalier et sous le regard des impressionnantes statues de la Majesté Royale, du Mérite et de la Vérité, un mannequin s’avance. Point d’habits de princesse, mais une allure à la fois androgyne et sensuelle constituée d’un petit bustier court, d’un microshort et d’une veste d’homme en laine gris assortis. La belle chapeautée d’un borsalino à larges bords, porte des cuissardes de pêche en cuir camel évoquant la «mondine» torride interprétée par Silvana Mangano dans Riz Amer (de Giuseppe De Santis, 1949).
S’ensuit une garde-robe typiquement Max Mara. Des manteaux à tomber - comme de bien entendu pour la griffe du camel coat, le 10181, inventé par Anne Marie Beretta en 1981 toujours best-seller - mais aussi des jupes droites sous le genou ou à ligne corolle mi-mollet, des costumes masculins taillés tout en légèreté pour épouser le corps féminin, des pyjamas à imprimé cravate réalisés avec Marinella, des robes du soir en cachemire parées de brillants, des cardigans en maille basculés sur les épaules, des tops à baleines et autres déshabillés de soie qui ajoutent à cette garde-robe BCBG, la juste dose de volupté... Parmi le public, notre Laetitia Casta nationale, Sharon Stone et Gwyneth Paltrow applaudissent la soixantaine de silhouettes qui réapparaît sur un remix d’Una Notte a Napoli. Une nuit endiablée dont on ne doute pas qu’elle aura mis du rouge aux joues de la «femme de notable» que le fondateur de la marque, Achille Maramotti s’était mis en tête d’habiller au sortir de la guerre.
lefigaro