"Ce que j’aime sur la Côte d’Azur, c’est que les choses ne sont pas cloisonnées": ce lundi à Saint-Jean-Cap-Ferrat, le trompettiste Romain Leleu ne se lasse pas de jouer sur les scènes de la région

Rares sont ceux qui peuvent s’enorgueillir d’appartenir à ce cercle très fermé: celui des plus grands trompettistes de la planète. Romain Leleu est de ceux-là. Que ce soit avec son sextet, comme il le fera ce lundi soir à la Villa Éphrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat, en duo avec son frère le tout aussi talentueux tubiste Thomas Leleu, ou en soliste avec orchestre, cet artiste est systématiquement dans l’excellence.
Quatre albums en un anEt fait preuve aussi d’un certain stakhanovisme, lui qui a gravé pas moins de quatre albums au cours des douze mois écoulés: Piano, Trumpet & Strings avec Frank Braley et l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie paru chez XXI Music, Folies Parisiennes avec Julien Gernay chez Harmonia Mundi, Virtuosi avec son frère Thomas au tuba (La Dolce Volta) et Nuit fantastique avec son sextet sous son propre label RL Records, qu’il a créé cette année.
Accompagné de son sextet, né il y a quinze ans, Romain Leleu joue un répertoire fait sur mesure par un des violonistes de l’ensemble. Dans l’écrin de la Villa Ephrussi à Saint-Jean-Cap-Ferrat, où il se produira pour la première fois, le sextet présentera un programme intitulé… Nuit fantastique. " Ce programme, égrène-t-il, représente les diverses émotions de l’univers nocturne. À commencer par Schubert, avec Le Roi des Aulnes. On passe vraiment ensuite d’une émotion à l’autre, du rêve à la peur jusqu’à la mort, sans oublier la fête, avec Le bœuf sur le toit de Darius Milhaud. Il y aura un peu de musique de film aussi, avec une pièce d’Ennio Morricone ou de Bernard Herrmann [qui a acquis une réputation internationale grâce aux musiques qu’il écrivit pour les films d’Hitchcock, NDLR] pour cordes. Et cela ira jusqu’à un hommage au grand trompettiste Dizzy Gillespie, avec Night in Tunisia."
"Sur la Côte d’Azur, les choses ne sont pas cloisonnées"Dizzy Gillespie, l’une des figures mythiques de la Grande Parade du Jazz de Nice, dont la silhouette s’affichait comme logo du festival niçois. Contribuant ainsi à faire de la capitale azuréenne un lieu imprégné de musique et d’art, ce qu’admet volontiers Romain Leleu: "Justement, ce que j’aime sur la Côte d’Azur, c’est que les choses ne sont pas cloisonnées. Il y a tellement eu d’échanges, dès le siècle dernier, que c’est un endroit où l’on a l’impression d’être immergé, justement, dans Le Bœuf sur le toit des années 1920 à Paris. J’ai beaucoup de plaisir à venir ici et à participer à des festivals comme celui de Menton notamment. En profitant de lieux très souvent magnifiques."
Instruments anciens de 1889 aux années 1950À propos de voyages dans le temps, cet amateur d’instruments anciens en a ressuscité quelques-uns, pour son disque, Folies parisiennes: "J’ai eu la chance d’avoir accès à la collection du Musée de la musique, constituée d’instruments incroyables, de l’Antiquité à nos jours, remarquablement conservés. Pour cet album, j’ai privilégié une période foisonnante, qui va de l’xposition universelle de 1889 jusqu’au début des années 1950. Une période charnière, durant laquelle la facture instrumentale a beaucoup évolué, d’abord sur le cornet à pistons, puis sur la trompette. Et cela a donné des instruments avec une sonorité ‘‘à la française’’ plus brillante, plus timbrée. J’ai choisi l’ultime cornet de Jean-Baptiste Arban, notre Paganini, et j’ai joué avec ce dernier instrument, offert par une de ses nièces au musée avant sa création. Le conservateur, qui est le même depuis l’ouverture, il y a 35 ans, n’avait jamais entendu cet instrument-là. Une grande émotion!"
"C’est un peu plus libre, on peut se permettre d’aller toucher à d’autres styles"Et de quelle façon considère-t-il l’évolution de son instrument? "Quand j’ai commencé en tant que concertiste, soliste, il y a une vingtaine d’années, je me suis lancé dans ce projet-là, avec beaucoup de passion, de plaisir et de motivation. Aujourd’hui, ça fait des émules, et on est moins dans le jugement. Avant, on disait que la trompette, c’était l’orchestre, hormis une grande figure comme Maurice André ou d’autres. Maintenant, c’est un peu plus libre, on peut se permettre, si on a l’envie, d’aller toucher à d’autres styles, même si on fait du classique. Je trouve ça plutôt positif. À partir du moment où c’est fait avec sérieux, avec sincérité, c’est ce qui compte le plus pour moi."
Romain Leleu sextet. Ce lundi 11 août, de 20h à minuit. Tarifs: de 20 à 35 euros. Gratuit pour les moins de 7 ans. Rens. 04.93. 01.33.09. www.villa-ephrussi.com
Var-Matin