Ordinateur relativiste, le projet qui cherche à révolutionner l'informatique avec la théorie d'Einstein : à quoi pourrait-il servir

Alors que les PC traditionnels reposent sur un système qui interprète uniquement des instructions binaires, les ordinateurs quantiques s'appuient sur des qubits , des unités qui peuvent être à la fois des uns et des zéros grâce à la superposition. Mais si cela paraît déjà ésotérique, voici un prototype d'un niveau de complexité plus élevé : les ordinateurs relativistes .
Ces systèmes informatiques de science-fiction, au lieu de s’appuyer sur des puces de silicium ou sur l’intrication, pourraient exploiter la force attractive des champs gravitationnels comme principal outil de calcul.
Ce concept, qui circule dans le monde des idées, s'appuie sur les effets de la relativité générale d'Albert Einstein — comme la courbure de l'espace-temps et la vitesse des objets massifs — pour traiter l'information.
En termes moins conceptuels, il s'agirait d'un système ne nécessitant aucun câble ni matériel spécifique . Son horloge interne peut accélérer ou ralentir selon sa distance par rapport à une source gravitationnelle. C'est littéralement une machine qui se nourrit de la structure de l'univers .
Les calculs seront le résultat de la courbure de l’espace-temps.
À l’avenir, il pourrait être utilisé pour simuler des univers entiers avec une précision physique extrême , depuis le calcul de processus gravitationnels complexes comme les trous noirs ou l’ expansion du cosmos jusqu’à de nouvelles formes d’intelligence artificielle basées sur l’écoulement du temps.
Cette abstraction est l'œuvre d'Eleftherios-Ermis Tselentis de l'École Polytechnique de Bruxelles (Belgique) et d'Amin Baumeler de l'Université de Lugano (Suisse), qui ont développé une preuve mathématique pour révolutionner la méthode actuelle de transfert d'informations.
La clé de cette spéculation réside dans la compréhension que l'espace-temps n'est pas une structure rigide et éternelle, comme le suggérait la relativité restreinte. Selon la relativité générale d'Einstein, il peut se plier, s'étirer et s'effondrer comme une couche cosmique quadridimensionnelle lorsqu'un objet massif exerce une pression contre lui.
C'est cette flexibilité intrinsèque qui permet à l'univers de se courber et de se déformer sous l'effet de corps massifs comme les planètes et les étoiles. Et cette même courbure modifie le cours de tout ce qui le traverse, même des signaux qui le parcourent. Comme si, en se pliant, le cosmos redessinait lui-même sa propre trajectoire.
Représentation d'un système relativiste.
Pour expliquer cette découverte, les chercheurs ont imaginé un scénario dans lequel trois personnes – Alice, Bob et Charlie – échangeaient des messages . La question clé : que se passerait-il si l’une d’elles pouvait manipuler l’espace-temps dans lequel l’information circule ?
Serait-il possible qu'Alice, par exemple, reçoive par erreur un message destiné à Bob, simplement parce que le signal a été dévié dans une région déformée du cosmos ? Ou que Charlie réponde à un message que Bob n'avait pas encore envoyé, inversant ainsi l'ordre naturel de cause à effet ?
Avec ces combinaisons, ils ont alimenté une équation capable de révéler si une déformation de la matrice espace-temps avait altéré l’ordre naturel des messages.
L'analyse s'est concentrée sur la question de savoir si ces variations, telles que la réception de messages dans le désordre ou l'interception de messages d'autres personnes, pouvaient être détectées en observant comment l'information se comporte lorsque l'espace-temps entre en jeu en tant qu'autre participant à la conversation.
Selon un article publié dans New Scientist, les équations développées par Tselentis et Baumeler permettent de détecter si un échange d’informations entre plusieurs personnes – comme Alice, Bob et Charlie – s’est produit dans un environnement où l’espace-temps était manipulé.
Selon Baumeler, bien que la relativité ait réussi à expliquer la structure de l’univers, il manquait encore un outil mathématique capable de traduire la manière dont ces distorsions affectent le flux d’informations.
La réalité pourrait-elle être une simulation causée par la gravité ?
Il s’agit d’une première tentative de relier deux mondes qui jusqu’à présent évoluaient en parallèle : la relativité générale , qui décrit le comportement de la réalité physique, et la transmission d’informations , pierre angulaire de l’informatique.
Le problème est que la théorie d'Einstein fonctionne à merveille, mais elle ne cadre pas avec l'autre grand bastion de la physique moderne, la théorie quantique . Elles reposent sur des hypothèses contradictoires sur la nature de la réalité.
Plus précisément, la relativité générale conçoit un espace-temps uniforme, tandis que la théorie quantique affirme que la matière et l’énergie n’existent que sous forme de fragments discrets.
L’opinion la plus répandue parmi les physiciens aujourd’hui est qu’il faut trouver un moyen d’intégrer la gravité dans le domaine quantique, ce qui signifie construire une théorie de la gravité quantique.
L'idée est aussi audacieuse qu'intrigante : exploiter la gravité non seulement pour expliquer le fonctionnement de l'univers, mais aussi comme outil de traitement de l'information . Plutôt que de nécessiter du matériel, cette informatique gravitationnelle s'appuierait sur les lois physiques du cosmos.
L’une des théories les plus populaires de la physique des particules suggère que si la gravité existe, c’est parce que nous vivons dans une simulation, une sorte de jeu vidéo cosmique qui nécessite un ordinateur pour générer son monde.
Mais ce travail prend une tournure inattendue : et si ce n’était pas l’inverse ? Et si nous pouvions construire un ordinateur utilisant la gravité comme un élément de son fonctionnement ? Une machine relativiste, alimentée par la même force qui façonne les galaxies.
Clarin