Un Polonais part en mission spatiale et la Pologne gâche une opportunité historique

• Après avoir été reportée à plusieurs reprises, une mission spatiale avec à son bord un astronaute polonais doit être lancée jeudi 19 juin. Ce sera le premier vol de ce type depuis 47 ans.
• Sławosz Uznański-Wiśniewski réalisera 13 expériences en orbite conçues par des universités et des entreprises polonaises.
• Selon les experts, la mission n'exploite pas pleinement son potentiel éducatif. Les ministères du Développement, des Sciences et de l'Éducation ne prennent quasiment aucune mesure pour promouvoir le vol d'Uznański auprès des étudiants potentiels des filières techniques et des jeunes.
• Résultat ? La fondation « Nauka. To Lubię » organise une « Semaine de l'espace » pour les écoles. Plusieurs centaines d'écoles primaires se sont inscrites pour recevoir du matériel gratuit. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
• Comme le prétendent les représentants du secteur spatial, les responsables politiques le négligent tout simplement. Par exemple, pendant neuf mois, personne n'a dirigé la délégation polonaise auprès de l'Agence spatiale européenne.

L'astronaute Sławosz Uznański-Wiśniewski est le deuxième Polonais de l'histoire à se rendre en orbite. Sa mission, qui s'inscrit dans le cadre du programme de l'Agence spatiale européenne (ESA) , durera 14 jours. Uznański-Wiśniewski, ainsi que trois astronautes d'autres pays, travailleront à bord de la Station spatiale internationale (ISS). La fusée Falcon 9 et la capsule Dragon seront lancées depuis le Centre spatial John F. Kennedy en Floride, aux États-Unis.

Après que le lancement ait été reporté à plusieurs reprises en raison de divers problèmes techniques, le vol est finalement prévu pour le jeudi 19 juin.

Le Polonais réalisera 13 expériences sur l'ISS conçues par des entreprises et des unités scientifiques polonaises .

Ils couvriront, entre autres :

• recherche sur l'impact de l'isolement, de la technologie et du contact limité avec la nature sur la santé mentale des astronautes,
• changements dans le microbiome intestinal humain dans des conditions de microgravité,
• performances des algorithmes dans des conditions orbitales réelles,
• la capacité des microalgues volcaniques à survivre et à s'adapter aux conditions spatiales.

Cependant, comme le soulignent les scientifiques, sa mission aurait pu être mieux exploitée , notamment pour promouvoir le secteur spatial auprès des jeunes.

Le lancement de la mission, à laquelle participait l'astronaute britannique Tim Peake, a été retransmis dans toutes les écoles britanniques. Mais avant cela, les écoles ont reçu une quantité considérable de matériel pour aider les enseignants à dispenser des cours sur l'espace, explique le Dr Tomasz Rożek, vulgarisateur scientifique, à WNP.

Il ajoute qu'après cette mission, le nombre de candidatures pour des études scientifiques en Grande-Bretagne a augmenté d'environ 15 % en 2015-2016. Un effet similaire a été obtenu par les premières missions habitées en Chine et au Canada.

Mission IGNIS ? Quelqu'un l'a vue, quelqu'un sait ?

Nous avons interrogé les ministères intéressés sur les activités de vulgarisation de la mission il y a un mois (la première date du vol Uznański-Wiśniewski a été fixée au 29 mai).

Le ministère du Développement et de la Technologie nous a envoyé une réponse générale concernant ses activités dans le secteur spatial et nous a assuré que la promotion de la mission se poursuivait depuis plusieurs mois, notamment sur les réseaux sociaux du MRiT, de la POLSA et de l'ESA. Les responsables nous ont également encouragés à consulter le site web de la mission IGNIS.

En effet, le site web du MRiT contient des informations sur le vol. Par exemple :

Et ce n'est pas tout. Deux semaines avant le lancement de la mission, l'Agence spatiale polonaise POLSA, l'agence subordonnée au MRiT responsable du vol, a licencié Agnieszka Gapys, responsable des communications de l'agence.

Un mois avant le lancement initialement prévu de la mission, le ministère des Sciences et de l'Enseignement supérieur n'a pas été en mesure de proposer la moindre action permettant de tirer parti du vol de Sławosz Uznański-Wiśniewski. Comme les responsables nous l'ont assuré début mai, ces initiatives n'en étaient qu'au stade de la planification. Elles devaient être annoncées en temps opportun, en consultation avec les partenaires.

Depuis lors, aucune information sur la mission IGNIS n'a été publiée, même sur le site web du ministère. Les réseaux sociaux du ministère sont également muets. Seuls figurent des comptes rendus détaillés des réunions du directeur du ministère, Marcin Kulasek.

Nous avons également demandé si le ministère des Sciences et de l'Enseignement supérieur envisageait d'organiser des conférences, des colloques ou des ateliers spéciaux sur l'exploration spatiale dans le cadre de la mission IGNIS. En réponse, les responsables nous ont envoyé une liste de plusieurs événements prévus pour 2023 et 2024.

Nous en avons appris davantage du côté du ministère de l'Éducation nationale. Bien que le ministère se limite à relayer sur les réseaux sociaux des publications du MRiT et des informations sur le pique-nique cosmique organisé à l'occasion de la Journée des enfants dans les jardins de la Chancellerie du Premier ministre, plusieurs activités ont été organisées à destination des écoles.

Le ministère se targue de proposer des propositions pédagogiques, notamment « Leçons de l'orbite ». Ces propositions s'appuieront sur les expériences et les démonstrations pédagogiques réalisées à bord de la station spatiale par Uznański-Wiśniewski. Il n'existe actuellement aucun support pédagogique.

MEN évoque également des concours et « un certain nombre d'autres activités éducatives » qui seront présentés sur le site web de la mission, plinspace.pl. Pour l'instant, la section « Éducation » du site web de POLSA est vide.

Alicja Musiał, ingénieur système chez KPLabs, évalue :

Il y a eu très peu d'activités promotionnelles autour de la mission de l'astronaute polonais ; ce sujet a principalement touché les personnes intéressées par le secteur spatial. De l'avis général, il n'existe pratiquement pas ; le destinataire moyen reçoit seulement l'information selon laquelle Uznański-Wiśniewski emportera des pierogi et l'alphabet dans l'espace.

La chercheuse ajoute qu'enfant, elle a été inspirée par la mission de Mirosław Hermaszewski et c'est pourquoi elle est aujourd'hui associée à l'industrie spatiale.

« La mission de la Pologne doit avant tout être une source d'inspiration pour la jeunesse, montrer que le secteur spatial polonais existe et qu'il est possible de devenir ingénieur ou chercheur. C'est l'aspect le plus important dont notre pays peut tirer profit à long terme », déclare le chercheur.

L'initiative privée sauve les programmes scolaires. File d'attente des candidats

Les politiciens ont échoué à l'examen - dit Tomasz Rożek.

Le silence qui s'est installé autour de la mission de Sławosz Uznański-Wiśniewski l'a poussé à développer son propre programme.

Sa fondation a organisé une « Semaine de l'espace » pour les écoles . Dans ce cadre, chaque école peut télécharger gratuitement un ensemble de plus de cent pages de matériel pédagogique. Ces ressources sont adaptées au programme de base et adaptées à différentes matières, ce qui facilite leur intégration. À l'issue du projet, les écoles peuvent recevoir un certificat de participation.

Comme l'explique Rożek dans une interview accordée à WNP, plusieurs centaines d'écoles primaires ont déjà demandé ce matériel (il y en a environ 14 000 en Pologne), et les enseignants de maternelle et de lycée demandent si des plans de cours seront également disponibles pour ces tranches d'âge. La fondation a décidé de les préparer pour septembre.

Le peu d'évolution autour de la mission Uznański-Wiśniewski ne surprend pas les représentants du secteur spatial polonais. Comme l'ont rapporté des acteurs du secteur depuis des années, l'utilisation de la mission était inexistante dès le début, lorsque le gouvernement de Mateusz Morawiecki a soudainement décidé d'augmenter la contribution à l'ESA à 300 millions de zlotys, ouvrant ainsi la possibilité à un astronaute polonais de participer à un vol vers l'ISS.

« Cette décision a été prise à bref délai et sans consultation préalable de l'industrie, qui aurait pu planifier les activités d'accompagnement de la mission. Au cours des deux années suivantes, la coordination qui aurait permis d'exploiter pleinement ce potentiel a été insuffisante », explique l'un de nos interlocuteurs du secteur spatial.

« L'intérêt politique pour la mission n'a augmenté que récemment, alors que les activités concrètes pouvaient déjà se concentrer principalement sur la communication médiatique », confirme Paweł Pacek, directeur de l'Agence de développement industriel et membre du conseil d'administration de l'Association des employeurs du secteur spatial. Il ajoute que le secteur spatial ne figurait pas encore parmi les priorités du ministère du Développement.

- Pendant neuf mois, il n'y avait personne à la tête de la délégation polonaise auprès de l'ESA, ce qui a rendu difficiles les procédures de soutien des projets des entreprises polonaises dans les programmes optionnels de l'agence - explique Pacek.

Mi-avril 2025, ZPSK a envoyé une lettre à ce sujet au chef du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, Krzysztof Paszyk .

Un autre motif d'inquiétude est la suspension prolongée du processus de signature des lettres de soutien par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural pour les projets des entreprises polonaises participant aux programmes optionnels de l'ESA. Cet état de fait entraîne un ralentissement significatif du développement du secteur spatial national, limite l'utilisation des fonds provenant de notre contribution à l'ESA et se traduit par des pertes économiques concrètes, peut-on y lire.

Déjà à l'époque, les membres du syndicat avaient averti qu'il y avait un risque sérieux que le potentiel de cette mission ne soit pas pleinement utilisé pour promouvoir la pensée technologique polonaise et soutenir le développement de notre économie.

Ce n'est qu'à la fin du mois de mai 2025 que le Dr Karol Sobczak, nouveau directeur du Département de l'industrie de défense au ministère de l'Énergie et de la Technologie, a pris la supervision du secteur.

La détermination des astronautes sauvera-t-elle la mission éducative ?

Uznański-Wiśniewski lui-même a déclaré dans une interview accordée au PAP qu'il avait l'intention de mener des activités éducatives.

« Je donnerai des conférences dans les universités. J'ai l'intention de visiter toutes les universités techniques polonaises et peut-être quelques facultés de médecine », a-t-il déclaré.

Une place attend le Polonais au centre suisse du CERN. Il y a passé des vacances pendant les préparatifs.